Festival de Cannes : 3 livres sur le cinéma à découvrir (nouveautés)
La 78e édition du Festival de Cannes touche déjà à sa fin Et si, cette année, on en profitait pour nourrir sa ion du 7eme art pas uniquement dans une salle obscure ? Voici une sélection de trois nouveautés de publications sur le cinéma à conseiller ou à offrir aux ionnés de cinoche.
Dans l'ombre d'Hollywood
Michel Moatti
Editions Hervé Chopin

Mrs Danvers un jour, Mrs Danvers toujours. Voila pourquoi Rebecca n'est pas un film, mais un gouffre. Une malédiction. Un trou noir dans lequel nous avons toutes disparu. Joan, Vivien Leigh...Moi. "
" Rebecca " le grand roman gothique de Daphné du Maurier, paru en 1938, devient un film qui reçut l'Oscar du meilleur film en 1941. De septembre à Novembre 1939, Alfred Hitchcock réalise son premier long métrage américain dans les studios de Los Angeles.
Tous les acteurs et actrices d'Hollywood rêvent d'en être, et toutes les commère affutent leur langues de vipère et s'apprêtent à tremper leur plume dans le venin de la rumeur.. Trois mois de tournages parcourus de médisances, de méchancetés crases entre les acteurs adoubées ou rejetés pour les rôles et d'étranges incidents qui surviennent sur le plateau.
Et surtout il y a ce serial killer qui sévit depuis plusieurs mois, dont les victimes, de jeunes filles souvent très très jeunes ont toutes un lien avec les studio où se tourne "Rebecca ".
L'âge d'or d'Hollywood é à la moulinettes des souvenirs de tournage de Judith Anderson. Judith qui ? Judith Anderson, l'actrice shakespearienne qui imprima à jamais la pellicule du film d'Hitchcock. Judith Anderson, l'interprète inoubliable de Mrs Danvers, la terrifiante camériste de la nouvelle madame de Winter.
" Hitchcock m'avait baptisée " l'effet de surprise ", et c'est ainsi qu'il m'a désignée pendant tout le tournage. Il a écrit certaines scènes spécialement pour m'y faire pénétrer par effraction. Bien sûr, ma meilleure " effraction " sera celle de la scène de la chambre, où je surgis d'entre les rideaux. En jouant cette scène, j'ai pensé aux fantômes de Shakespeare et à ceux d'Edgar Poe, ces femmes nimbées de nuit et d'épouvante, qu'on entend venir en tremblant. "
Judith Anderson, qui servit aussi de modèle à la marâtre de Cendrillon chez Disney, est une actrice sympathique, très bonne camarade sur les tournages et devient, sous la plume de Michel Moatti, un guide ionnant sur les dessous pas très chics de la fabrication d'un film.
" Vous avez aimé le roman, vous vivrez le film" était le slogan du film à sa sortie en avril 1940, et si comme moi vous avez adoré le roman et le film, alors vous dévorerez " Rebecca, dans l'ombre d'Hollywood ".

Ce qu'il faut savoir avant de se lancer
Frédéric Sojcher
Editions Nouveau Monde
Du scénario à la diffusion, ce livre dévoile tous les enjeux – souvent ignorés du grand public – de la fabrication d’un film : la mise en scène, l’importance des acteurs et de l’équipe, le rôle des critiques et des festivals, le combat pour la sortie en salle, le nouvel écosystème induit par les plateformes… sans oublier les questions de société qui traversent le 7e art. Frédéric Sojcher, cinéaste lui-même, parle d’expérience et aborde tous les sujets qui ne sont pas évoqués dans les manuels.
Son Anatomie du cinéma intéressera les lecteurs avides de connaître l’envers du décor (le livre foisonne d’exemples) et sera un outil indispensable pour celles et ceux qui veulent faire du cinéma leur métier.
>> Un « antimanuel » du cinéma aussi ionnant qu’instructif.
Le livre « Anatomie du cinéma – Ce qu'il faut savoir avant de se lancer », de Frédéric Sojcher, publié aux éditions du Nouveau Monde. © Nouveau Monde
Dans son essai Le prof de philo fait son cinéma, Mariangela Perilli se penche sur l’image du professeur de philosophie véhiculée par le cinéma et les séries télévisées françaises. L’ouvrage interroge les mythes et stéréotypes qui entourent la figure – ou plutôt la « fonction » – du « prof de philo » en . Loin de se borner à une simple liste d’exemples cinématographiques, l’autrice propose une analyse fouillée des ressorts historiques, sociaux et esthétiques qui nourrissent ces représentations.
Mariangela Perilli montre combien la philosophie est associée, en , à une aura particulière : c’est la « discipline de couronnement », celle qui clôt le lycée et fascine l’opinion publique à chaque épreuve du bac. L’autrice relève combien le cinéma surreprésente cette figure du « prof de philo » : elle recense plusieurs dizaines de films où ce personnage occupe un rôle clé, souvent plus important que ne le justifierait sa présence réelle dans la société. Ce paradoxe est le point de départ d’une réflexion sur la fabrication d’un mythe : pourquoi accorde-t-on autant d’importance narrative et symbolique au professeur de philosophie ? Quelles attentes projette-t-on sur cette matière réputée « subversive » et « exigeante » ?
L’ouvrage s’organise en chapitres alternant analyse historique et culturelle. L’autrice s’attache d’abord à décrypter le legs antique, montrant combien Socrate et Diogène, par leurs postures singulières, ont défini un « corps philosophique » perçu comme à la fois marginal, subversif et doté d’une aura quasi sacrée. On retrouve, dans les représentations contemporaines, ces marqueurs hérités de l’Antiquité : la barbe, la toge (ou, de manière moderne, un habillement jugé « négligé »), un art de se mettre à l’écart, tout en distillant un savoir jugé plus élevé.
Quand il s’agit du « prof de philo » français, Mariangela Perilli note combien le cinéma aime à le décrire comme un personnage double : intellectuellement puissant (la « matière reine » du lycée lui confère une autorité quasi magique), mais parfois caricaturé comme cynique, séducteur, voire « sadique » dans ses rapports avec les élèves. Des films populaires comme Nos 18 ans ou d’autres œuvres plus confidentielles (on pense à l’univers de Rohmer ou de Brisseau) servent de base à l’autrice pour débusquer les invariants : bureau encombré de livres, attitude mélancolique ou désabusée, fascination pour la langue et la joute verbale, posture d’« être à part » dans la salle des professeurs…
Ce qui frappe à la lecture, c’est la capacité de Mariangela Perilli à convoquer, outre le cinéma, des références issues de l’histoire de l’art, de la philosophie (Hadot, Barthes, Bourdieu, etc.) ou des études littéraires. Cette diversité d’approches enrichit considérablement l’essai : la représentation iconographique du philosophe antique est étudiée pour mieux comprendre l’esthétique du professeur de philosophie à l’écran. L’idée de « mythe » au sens barthésien – ce discours qui essentialise et naturalise une figure – est longuement développée pour montrer comment « le prof de philo » finit par désigner bien plus qu’un simple enseignant : une incarnation du Savoir, de la subversion et de l’autorité, tout ensemble.
Le prof de philo fait son cinéma est une lecture riche et stimulante. Un ouvrage qui se lit comme un ionnant voyage dans les coulisses – parfois cruelles, parfois drôles, toujours révélatrices – de la « fabrique » du philosophe à l’écran.
Le prof de philo fait son cinéma par Mariangela Perilli