Rencontre avec le cinéaste Jon Garaño, réalisateur du film "Marco, l'énigme d'une vie.

C’est une fable sur la recherche de la vérité et la réalité d’un homme qui a transformé la vérité de sa vie en une tromperie colossale ; c’est l’histoire vraie du plus grand des mensonges que raconte avec une vraie gourmandise et un vrai sens du récit Jon Garaño et Aitor Arregi dans Marco, l'énigme d'une vie à voir au cinéma dès ce mercredi 14 mai.
Le film d'Aitor Arregi et Jon Garano travaille la fiction pour interroger les jeux du faux et de la vérité. Le film doit aussi beaucoup à l’interprétation d’Eduard Fernandez (salué par un Goya pour ce rôle), restituant irablement la complexité de l’homme
Jon Garaño était présent à Avignon aux Rencontres du SUD, pour échanger avec la presse à l’issue de la séance.
Nous nous intéressons beaucoup dans notre œuvre à la manipulation de la mémoire, à l’appropriation de l’histoire et au silence prolongé dont souffrent les déportés espagnols depuis des décennies.
La figure d’Enric Marco nous attirait non seulement par son histoire personnelle, mais
aussi par ce qu’il représente.
Cela nous fait réfléchir sur la manière dont les histoires sont transmises et perçues par la société, sur le pacte implicite entre le narrateur et l’auditeur.
Il est curieux, par exemple, d’observer comment parfois ce qui a le plus de poids n’est pas tant la vérité de ce qui est dit, mais la manière dont on le dit.
En outre, il aborde un sujet très délicat : la position des victimes en tant que témoins et narrateurs de leurs expériences, et comment cette voix peut être usurpée, utilisée, déformée ou même ignorée selon le contexte...
La première chose qui nous a fasciné chez Enric Marco, c’est sa personnalité.
Lorsque le scandale de son mensonge a éclaté et qu’il est devenu un ennemi public, au lieu de se cacher, il a fait quelque chose de surprenant : il s’est montré dans tous les médias.
Il est apparu à la télévision, à la radio et dans les journaux pour justifier son histoire
et raconter ce qu’il appelle « sa vérité ».
Il ne s’est jamais excusé ni n’a pleinement accepté le sérieux de s’être approprié les récits des déportés, et il a défendu que, d’une certaine manière, son mensonge avait été utile, tant pour la société que pour les déportés eux-mêmes.
C’est ce contraste entre la contradiction de son discours et la fermeté avec laquelle il le tenait qui a retenu notre attention.
Le plus grand défi pour porter cette histoire au cinéma a été de s’occuper d’un
personnage comme Marco, avec qui à première vue il est difficile de sympathiser.
Il est facile de le voir comme un méchant, quelqu’un d’antipathique, ce qui complique
grandement la connexion du public. Comment garder le public intéressé par un personnage comme celui-là ?
On s'est dit que l’essentiel c'était de construire autour du vrai Marco un personnage complexe capable de captiver le spectateur.
Marco est quelqu’un qui navigue constamment entre les fissures de la vérité et de la tromperie.


Disons plus globalement que l'un des thèmes les plus importants pour nous dans le film est celui de la vérité.
Nous vivons en effet à une époque où la frontière entre la vérité et le mensonge semble
s’estomper.
Les réseaux sociaux, les médias et le rythme vertigineux de consommation de l’information ont créé un environnement dans lequel ce qui compte n’est pas toujours
la vérité, mais la manière dont elle est présentée.
Pourquoi le faux semble-t-il parfois avoir plus de poids que le vrai ?
Dans notre film, nous avons voulu aborder cette question à partir de la figure d’Enric Marco, quelqu’un qui,bien avant l’existence des réseaux sociaux et avant qu’on parle de « post-vérité », savait déjà comment utiliser le récit pour manipuler la perception des autres.
Marco ne mentait pas au hasard ou involontairement ; ses mensonges étaient soigneusement tissés à partir de fragments de vérité.
Il a pris des éléments réels et les a mélangés à de la fiction pour construire une histoire non seulement captivante, mais aussi émotionnellement percutante

Quelles ont été les directives que vous avez donné à l’acteur Eduard Fernández pour entrer dans son personnage ?
Eduard est un acteur intuitif doté de nombreuses compétences, ce qui a rendu le
processus beaucoup plus facile.
C’est quelqu’un qui n’a pas besoin d’instructions détaillées sur chaque plan.
Une fois qu’il comprend le personnage, il est capable de travailler les nuances presque automatiquement.
Notre travail consistait à l’accompagner et à lui montrer la voie, à trouver l’équilibre, en cas de dysfonctionnement.
En outre, nous avons convenu de partir d’une idée clé : notre proposition ne serait pas
une copie exacte du vrai, mais plutôt une réinterprétation fidèle dans l’essence, mais
différente sous certains aspects.
Au lieu d’être obsédés par une imitation millimétrée, nous avons décidé de construire un personnage qui évoque Marco, mais qui a sa propre vie.
Cette décision nous a permis de nous éloigner de la rigidité et de donner à Eduard
plus d’espace pour explorer le personnage à partir de son humanité.
Pour nous, il continue en effet d'être un mystère : nous voulions que le film génère un débat, c'est pour ça la film reste ouvert. Nous adorerions que les spectateurs en parle et confrontent différents points de vue.
C’est un personnage qui suscite des sentiments contradictoires.
Certains vont arriver à le comprendre, d’autres ne le comprendront jamais.
Il est tellement complexe qu’il en est fascinant.
Je ne le comprends pas toujours, mais avec ce film ce qu'on ne voulait surtout pas c'était le juger ni le blanchir.
Margot l'énigme d'une vie
Réalisation : Aitor Arregi, Jon Garaño
Avec : Eduard Fernandez, Nathalie Poza, Chani Martin
Distributeur : Epicentre Film
Durée : 1h41
Sortie : 14 mai 2025
Retrouvez la chronique du film ci dessous

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