Baz'art  : Des films, des livres...
11 juin 2025

Rencontre avec Victoria Guillomon, porteuse de l’écologie intérieure et co-réalisatrice du documentaire « Shimla »

 

La quête de sens est perpétuelle, insatiable pour Victoria (Nouvel Oeil), surtout dans un monde dont les fondations ne sont plus si solides. Pour continuer de l’explorer, elle se lance avec le créateur de contenu Johan Reboul (Le jeune engagé) dans un défi fou : rallier Shimla, au nord de l'Inde, sans avion, caméra embarquée dans un but clair, réaliser un documentaire sur la préservation de l’eau. Une autre vague s’empare dela salle comble du Grand Rex. Entretien avec Victoria, 48h après le départ d’une tournée riche.  

 

 

Pourrais-tu te présenter ?

 

J’ai 26 ans et j’engage ma vie autour de l’éveil des consciences pour essayer de mêler écologie et écologie intérieure. Et pour ça, je propose différents outils, que ce soit l'écriture avec les livres, le podcast, des conférences et, plus récemment, ce film qui pourrait toucher un maximum de personnes autour d'un message commun.

 

Comment est né ton engagement ?

 

Il est né au fur et à mesure de déclics personnels. Depuis toute petite, étant née à la campagne, j’ai grandi les pieds dans la terre. Sans le conscientiser, j'avais quand même cet éveil écologique qui prenait forme. C'est vraiment au moment de mes études que j'ai eu l'occasion de partir en Inde pour un voyage humanitaire. En fait, j'ai pris du recul sur nos modèles de société, j'ai fait le lien direct qui avait entre nos crises de sens généralisées et la crise écologique. Donc là, je commence à me poser des questions existentielles en me disant : Est-ce que ces questions de bonheur, de réussite, de sens de la vie, n’est ce pas maintenant qu'il faut se les poser avant pour essayer d'avoir un impact plus large, global sur la société ?

 

Et l'émerveillement dont tu parles beaucoup dans ton documentaire, tu l'as eu au fur et à mesure ou il y a quand même eu un moment où tu t'es dit « c'est par ça que je vois mon engagement » ?

 

Cet émerveillement, j'ai depuis changé depuis toujours en moi. J’ai fait un pacte avec moi-même depuis que je suis toute petite, de ne jamais le perdre car c’est la chose la plus précieuse, la plus grande richesse que quelqu'un puisse avoir, la plus belle chose à préserver ; là où la vie, la société fait tout pour qu’on s’écarte de cette joie pure. Maintiens cette flamme, cet émerveillement vif et brûlant !

 

Comment a mûri et s’est construit le projet ?

 

C'est parti déjà d'une envie de retourner en Inde pendant mes études : en fait, dès mon retour de voyage à 18 ans, je me suis promis d’y retourner parce que c'est un pays qui m'a littéralement transformé et je ne me suis jamais sentie aussi heureuse qu'en habitant en Inde. Après j'ai terminé mes études. Puis, ma conscience écologique a pris plus de place dans ma vie, et l'envie d'y retourner sans avion était à la fois une volonté de deux de goûter à l'aventure en traversant différents pays et de pouvoir être en cohérence avec mes convictions écologiques. Le projet s’est mûri sur plusieurs années : l’envie de retourner en Inde, d'en faire un grand voyage imprévu, l'envie d'en faire un film et un trait, une envie de partager cette aventure avec quelqu'un et enfin avec Johan.

 

Dans le documentaire, vous découvrez avec Johan vos différences. Après le voyage, quels aspects chez lui ont fait que ça a marché ?

 

C'est qu'on est justement très complémentaire à nos façons de voir les choses, de voir notre engagement et aussi mener un projet. Johan est plus dans la rondeur, le lâcher-prise, dans l’écoute aussi et moi j'ai beaucoup plus tendance à vouloir contrôler. Donc, se balancer entre contrôle, d'un côté, un petit bout de lâcher prise, ça nous a permis de bien se compléter.

 

Même, sur les compétences qu'on peut avoir l'un et l'autre, Johann est plus à l'aise sur les réseaux sociaux. Moi, je vais être plus dans la gestion, dans le management, le suivi des projets, donc, on est très complémentaires. Depuis le début, on se dit que la communication entre nous est le plus important, on ne laisse rien sur le dos du malentendu ou de non-dits. Donc ça fait que ça marche toujours très très bien.

 

Est-ce que l’envie de documenter les enjeux de préservation de l’eau avec le réchauffement climatique a été direct devancée par le récit ou cela est arrivé en cours de route ou de montage ?

 

On ne le savait pas franchement. La marraine du projet, Flore Vasseur, le savait. Au moment où on est partis, elle disait déjà : notre film n'était pas sur l’eau et nous, on ne voulait pas l’entendre alors qu'on a construit tout notre projet en une année autour de ce sujet, on était un peu désemparés. Pendant le voyage, on ne conscientisait pas encore que qu'on allait ouvrir sur d'autres sujets. C'est vraiment au retour en , quand on a commencé à dérusher, réfléchi à l’écriture et au montage, qu’on a retenu la philosophie de vie avec laquelle on avait renoué au cours de ce voyage. L'écriture du film s'est faite au retour.

 

Y-a-t-il une rencontre ou un moment plus marquant durant ce voyage ?

 

Très difficile comme question… On a eu mille rencontres, c'est dur d'en tirer une seule, par contre. De manière générale, ce que j'ai rencontré, c’est l'humanité dans chacun des pays traversés, à savoir 19 pays en six mois, sans exception, comme si on était chez nous. On s'est construit des nouvelles familles, on s'est fait de nouveaux amis. On se sentait vraiment à la maison et on a vraiment embrasser ce que c'était qu’est l’humanité.

 

As-tu gardé avec certain.es ?

 

Pas toutes, malheureusement, parce qu’on est chacun.es dans nos vies, c'est un déchirement de dire qu’il y a peu de chances pour qu'on se revoit. On savait que c’était des relations qu’on n’allait pas pouvoir nourrir dans le futur, c’est la beauté de l’instant. On laisse ces relations à l'instant où on les a vécus.

 

Ces enjeux de partage de l’eau se raccrochent à des inégalités sociales comme vous avez pu le constater à votre arrivée en Inde. Les femmes sont les premières victimes du réchauffement climatique et les premières actrices pour lutter contre aussi…

 

Oui, on n’était pas très sensibles à cette question. On s'attendait pas forcément à mettre ce sujet en avant mais il y a un lien très direct entre crise sociale et crise écologique. On a entendu que dans certains villages, le manque d’eau impactait directement de plein fouet les femmes plus que les hommes, parce que ce sont elles qui ont la charge d'aller chercher du l'eau. Elles n’ont pas de robinet chez elles mais doivent parcourir des kilomètres pour aller chercher de l'eau potable. Et ces kilomètres, c'est pas dans des rues sécurisés mais dans la nature avec des bêtes bien plus venimeuses qu’en . Elles exposent à des dangers.

 

Tu mets en avant l’idée que l’échec fait partie de l’engagement et du cheminement, notamment quand vous êtes à Oman…

 

C'était très difficile, parce que ça remet en question ce sujet de la pureté militante qui fait que quand on s'engage, il faut être parfait, qu’on ne mange plus du tout de viande, qu’on ne prenne plus jamais l’avion, qu’on n’achète plus de neuf… En fait, on ne pouvait plus s’afficher écolo si on n’incarnait pas cette pureté.

 

Ça nous a ramené beaucoup d'humilité, plus d’humain… Ça permet de rendre plus accessible l’engagement en disant « on fait de notre mieux » ; l’idée n’est pas complètement radicale dans son engagement, de faire des petits pas au quotidien : manger moins de viande et limiter l’avion c’est déjà très bien ! On a un message plus dans la mesure, moins clivant.

 

Vous êtes é.es en coup de vent à la COP28 de Dubaï. Qu’en retiens-tu ? Cela n’a été trop perturbant par rapport à la philosophie du voyage ?

 

C'était complètement l’opposé de ce qu’on vivait depuis 2 mois sur les routes. On s’est rendus compte en étant en Arabie Saoudite que la COP28 allait avoir lieu à Dubaï et que c'était sur notre chemin pour descendre. En vain, on a é toutes les personnes qu'on pouvait toucher afin d’intégrer la délégation française et avoir accès à la zone bleu, qui est la zone de négociations à la COP. Le seul argument pour l’intégrer était qu’on était les seuls Européens à arriver sans avion et on voulait transmettre ce message face à des personnes qui voulaient parler sobriété mais qui ne l’appliquaient pas.

 

On s'est rendu compte que c'était une fourmilière. J’étais assez perturbée, même mal à l’aise. On a dû acheter des costards alors qu’on était en t-shirt depuis 2 mois. Il y avait trop d’infos, mille négociations en même temps ! Un côté très opaque où on sent quelque chose d’important mais on ne sait pas quoi… et je ne me sentais pas à ma place, en fait, tout simplement.

 

 

Peux-tu revenir sur ce qu’est l’écologie intérieure ? Ton regard a-t-il évolué dessus ?

 

Pour moi, c'est une philosophie différente et c'est l’idée d'allier l'écologie, comme on l'entend aujourd'hui, avec l'émerveillement qui se cultive en soi. Donc, ça commence par des questions très personnelles : qui je suis ? Qu'est-ce qui me plaît ? Comment je peux impacter le monde ? Qu’est-ce qui me différencie des autres ? Ce sont des questions finales très personnelles qui peuvent être vertigineuses mais qu’on se pose toustes un moment donné dans notre vie !

 

Ça demande des temps d'introspection, du temps de vide, de silence, on n'est pas habitué à ça dans notre société. Plus que ne pas y être habitué, on dévalorise ces moments-là, on serait improductif, on perdrait notre temps… On laisse peu de place au vide, à la découverte du soi. Pour moi, il y a vraiment un lien très direct entre cette écologie intérieure qui nous ramène finalement à une forme de développement personnel d'aller cre ces questions existentielles et l'écologie plus généralement, parce que je suis convaincue quand on est bien avec soi-même, par ricochet, on fait du bien au monde commun et à l'inverse, quand on est mal dans sa peau, c'est là qu'on va être beaucoup plus influençable par la société, qu'on va aller consommer, qu'on va tomber dans des compulsions, des schémas qui détruisent la planète et la pollution.

 

Il y a vraiment un lien très direct. Ça permet aussi d'apporter beaucoup plus de joie, de douceur dans l'engagement écologique. C'est renouer avec l'amour, avec la bienveillance et ça fait qu'on s'engage avec beaucoup plus de positivité et d'optimisme.

Cela fait du bien, tout simplement quoi, en remettant de la conscience et de la sobriété dans tout ce qu'on fait au quotidien c'est une philosophie de vie qui nous apporte réellement des bienfaits à titre personnel. C'est pas l'écologie où on trie que nos déchets, avec des méchants et des gentils, c'est l'écologie où j'ajoute beaucoup plus de conscience dans ma vie donc cette vie est plus douce.

 

C’est une notion que tu as déjà commencer à développer dans tes précédents livres et ton podcast Nouvel Œil : er de l’écriture au documentaire, en ant par le podcast c’est vouloir toucher le plus de monde ? Même si la quête de sens et du collectif est plus propre à notre génération…

 

Ouais, c'est pour ça que le documentaire est une manière de toucher d'autres personnes, parce qu’il y a autant de personnes qui aiment lire, d’autres qui vont écouter des podcasts mais qui ne vont pas aller voir des conférences, etc… Il n’y a rien de plus puissant que d'arriver à toucher les émotions des gens pour qu'ils aient eux-mêmes leur déclic, parce que c'est pas en leur disant quoi faire ou quoi ne pas faire que les gens vont agir sur le long terme.

 

Peut-être que ça va leur créer des électrochocs mais ces habitudes sont très vite oubliées si on n’a pas le déclic en soi. Il faut plus que de dire les choses, il faut nous faire ressentir. Et sachant qu'il y a rien de mieux que du cinéma qui mêle à la fois la musique, les images, les mots, pour aller toucher ce truc chez quelqu'un, et sur 1H18, on renoue avec le temps long. C’était une envie de mobiliser différentes générations et classes sociales autour de cette cause.

 

En parlant de quête de sens, le sous-titre du documentaire est « Shimla , une fuite des temps modernes », que fuyais-tu ? et le fuis-tu toujours ?

 

Je fuyais un endormissement général de la société et les cases. Cette envie de partir jusqu'en mars sans avion est venue très précisément dans ma vie où je terminais mes études, où j'avais une pression immense de l'entourage, de la société avec ce truc de « maintenant, il faut que tu signes un CDI, il faut que je trouve un copain, il faut que tu coches la case ». Mais c'est quoi tous ces fous? Moi je veux pas ça. Je veux pas me réveiller dans trente ans en disant que la vie est ée trop vite. Je veux la vivre maintenant. Et quelque part, j'avais envie de me prouver que c'était possible de vivre autrement et d’embrasser ses rêves, c’était une fuite du conformisme. Cette fuite, je continue de la vivre quotidiennement, puisque ma vie, j'ai aucunement envie de la mettre dans des cases, à aucun moment.

 

Que dirais-tu à la Victoria de 18 ans lorsqu’elle s’apprête à faire son premier voyage en Inde ?

 

Je lui dirai: vas-y, n'aie pas peur, ne lâche pas, t'es sur le bon chemin. Aie confiance en toi et en la vie !

 

Quels projets pour la suite ?

 

J’ai du mal à me projeter plus loin que Shimla. Ça accapare tellement tout, je veux tellement tout donner à ce projet. Il y a d'autres livres en préparation aussi.

 

As-tu eu un coup de cœur récent ?

 

Je pense à un livre que j'ai relu récemment, un de mes préférés : Lettre à un jeune poète de Rilke. Il allie l'amour, avec le développement personnel, le développement intérieur qui parle d'écologie. Mais pour moi, il y a tellement de vérités. Dans chaque page, un condensé de vérités, c'est juste dingue et j'invite tout le monde à lire ce livre.

 

 

Crédits photos : ©Shimla – Victoria Guillomon & Johan Reboul

 

Shimla

Réalisé par Victoria Guillomon et Johan Reboul

1H18

Sortie le 26 mai 2025

 

Jade SAUVANET

 

 

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