Detachment: si triste, si beau...
De tous les films sortis depuis le début de cette année 2012, j'en ai ressorti deux, qui présentent, plus que les autres, une divergence d'opinion totale entre les avis de la presse cinéma "professionnelle" et les blogueurs. Si l'un, Edgard J, le dernier Eastwood, a été plébisicité par la presse dans sa globalité, et bien plus malmené par mes consoeurs blogueuses, l'autre, Detachment, présente le reflet inverse: totalement méprisé par les journalistes ciné dans leur grande majorité, et encensé par une dizaine de blogueuses sensibles à la poésie dégagée par ce film.
Comme j'ai envie de ma défendre " ma corporation", et que le sujet m'interessait aussi plus que la vie et la mort du chef du FBI, je ne suis allé voir qu'un seul film sur les deux, celui de Tony Kaye.
Tony Kaye, je me souviens de lui, évidemment, pour avoir vu le seul de ses films sortis en , film qui avait fait grand bruit à sa sortie : American History X, suivant un jeune néo nazi tentant de se repentir, film explosif qui nous révelait un acteur phénoménal : Edward Norton. Depuis, les films de Kaye n'ont jamais déé l'Atlantlique et j'avais un peu oublié ce cinéaste, avant d'entendre parler fin 2011 de son nouveau film,nommé Detachment qui avait connu un certain retentissement aux states, tant il était un portrait réaliste et très dur du système éducatif US.
Avant d'aller voir Detachment la semaine ée dans mon ciné de quartier, je pensais donc que j'allais voir une sorte d'Entre les murs version US. Or, Detachment ne se cantonne pas simplement à cet aspect des choses, et c'est ce qui en fait sa richesse.
Certes, Henry Barthes, le professeur joué par un Adrian Brody qui a enfin retrouvé un grand rôle après Le Pianiste de Polanski en 2002, est confronté à une réalité qu'il aimerait changer : la désespérance d'adolescents qui sombrent dans le nihilisme et qui ne saissient pas vraiment la portée de leurs comportements. En effet, au lieu de constituer un acte de rebellion, leur refus d'apprendre a tendance à faire le jeu du système, qui a intérêt à les stigmatiser de la sorte.
Mais, contrairement à un John Williams (Robin Williams dans le Cercle des Poètes Disparus, qui croyait totalement, à l'aube des années 90, à sa capacité à faire évoluer les mentalités de ces moutons de panurge, Henry Barthes n'y croit pas vraiment au fond de lui même, et surtout se pare d'une carapace d'indifférence (le détachement proprement dit) qui le rend bien plus désabusé qu'optimiste.
Mais ce détachement est évidemment feint, et c'est ce que j'ai trouvé le plus beau dans ce film, c'est de voir que finalement, contrairement à ce qu'il montre, Barthes est une éponge qui absorbe la souf et le désespoir des personnes qu'il cotoie et qui se manifeste sous différentes formes (la prostitution, la boulimie). C'est simplement que, la seule parade qu'il a su trouver pour avoir la force de continuer.
Là où la critique institutionnalisée a vu des stéréotypes dans ces personnages secondaires (la prostituée que le héros tente de remettre sur le droit chemin, l'ado artiste et si mal dans sa peau), j'ai, comme les blogueuses dont j'ai pu lire les billets ( ceux de Madimado ou Dicidela ), été très touché par le destin de ces personnages, qui ne connaitront pas de happy end (enfin pour l'une cela se finit quand même un peu mieux que pour l'autre) et surtout le film m'a frappé par sa tonalité qu'il joue jusqu'au bout : une noirceur sans fond, et une tristesse insondable, qui donne au film une allure de tragédie moderne qui est assez bouleversante ( il est simplement dommage que le metteur en scène, comme d'ailleurs dans American History X, se laisse aller à quelques fioritures visuelles superflues).
Bref, Detachment est un film d'une rare noirceur, comme j'en ai rarement vu, et évidemment il n'est pas à conseiller à ceux qui veulent juste voir un film pour se détendre sans se prendre la tête ( d'ailleurs, à la sortie du cinéma, j'ai assisté à un dialogue croustillant entre deux copines dont l'une avait adoré, et l'autre aurait préféré voir Intouchables :o).
Mais pour les autres, Detachement, qui traite de plusieurs sujets (l'éducation, la démission des parents, la transmission, le mal-être, le désespoir même), avec un tact indéniable et une vraie sincérité, est à voir absolument. En même temps, vu qu'il est sorti il y a maintenant deux fois, les salles de cinéma ne doivent plus vraiment se bousculer pour le er, donc ne ratez pas la sortie DVD d'ici quelques semaines maintenant.