Durant 30 ans, la mafia a organisé un vaste trafic de déchets toxiques qu'elle a enfouis dans le sol de Naples et des villes des alentours, créant un vaste désastre écologique et sanitaire dont l'Italie a pris conscience au début des années 2010.

Abandonnée par les autorités et étouffée par les tentacules de la Pieuvre camorriste, cette « Terre des feus » (rapport aux incendies de déchets déclenchés pour libérer de l'espace dans les décharges sauvages) ressemble aujourd'hui fort à l'Enfer.

Originaire de cette région, le père Giuseppe officie à Rome, après avoir effectué une mission en Afrique. Décidant qu'il est temps pour lui de rentrer à la maison, il demande sa mutation dans une petite ville aux environs de Naples et remplace Don Antonio, le père charismatique de la communauté dont les prêches dénoncent sans relâche le scandale des déchets toxiques gérés par la mafia.

S'élevant quant à lui contre le trafic de drogue qui gangrène la ville, le père Giuseppe est sans cesse ramené à l'équilibre par les autorités, celui-là même qui donne son titre au film. Sur un terrain miné par la violence et les déchets, le moindre écart peut en effet être fatal et chacun mène sa vie en funambule.

Révulsé par les crimes commis, jamais montrés frontalement mais dont le climat de peur est une conséquence évidente, le père Giuseppe refuse de suivre la même mesure.

Dans son combat, il se heurte aux signes d'agacement des mafiosi et aux silences de la population, le plus éclatant étant celui du père Antonio dont la figure de héros anti-mafia se ternie soudainement.

Dénonçant les méfaits és de la Camorra, celui-ci était un révolutionnaire toléré, tandis que le père Giuseppe met le doigt sur leur gagne-pain actuel, ce que n'a jamais osé faire Don Antonio, en toute connaissance de cause.

Dans un style sobre, pour ne pas dire austère, et servi par un jeu minimaliste, L'Equilibrio nous montre comment la rébellion d'un homme, commandée par un cœur pur, est doucement étouffée par la mafia, avec la complicité de tous. D'abord envisagé comme un documentaire, ce film anti-spectaculaire est loin d'être une expérience de cinéma ébouriffante.

Reste la subtilité avec laquelle le film pointe le renversement de valeur opéré par la mafia, laquelle se pose en bienfaitrice d'une communauté abandonnée de tous, alors qu'elle la corrompt par le mal qu'elle y installe.

Le sol, réceptacle de ses méfaits, en est un symbole dramatique.

En salles depuis le 25 décembre 2019