Bon plan VOD spécial confinement: Blouma, un étonnant documentaire de Stany Cambot (critique + film)
Les mots et expressions manouches fleurissent, les mots fusent dans la bouche de Michel dit « cacahuète », la voix infra-basse, le port altier et la politesse jamais obséquieuse, vendeur funambule et personnage emblématique de Rouen, qui a troqué les arachides qui lui ont valu son surnom, quand il avait 7 ans, pour les roses, « blouma » en V.O.
Les mots de Michel et des manouches (« les hommes » tout simplement) qui l'ont adopté gamin sur les marchés jaillissent à l'écran, avec leur équivalence française.
Ils impriment le cadre et attirent l’œil tout comme ils tendent l'oreille du gadjo, coups de lame dans l'intelligible, corps hétérogènes dans le cœur de la phrase.
En entendant, en voyant ces mots, on constate à quel point le manouche a envahi l'argot. Signe d'intégration dans la marge et son baragouin, pour ceux qui y ont été continuellement repoussés.
Le contour de ces marges se dessinent au fil de la tournée de Michel, le temps d'une nuit et de ses confidences. Tripots, bars à bouchons, boîtes à strip-tease, manèges et attractions.
Le grand-huit interlope, teinté d'arnaques, qui trouve ses racines dans la fête foraine du moyen-âge. Le biais modeste que constitue la tournée de Michel dans les rues de Rouen embrasse à la fois l'histoire des manouches, de la nuit et des classes populaires .
Une histoire intime rendue par les mots de ses héritiers.
Il y a donc Michel mais également Nono, auteur de ses mémoires et de mille vies, patron de bar à Rouen et magnat de pierres précieuses à Madagascar, le verbe tout aussi gouailleur. Au fond de la nuit rouennaise, c'est en quête de ces mémoires que se met Michel.
Dans un habile mélange de documentaire et de fiction, le vernis de la deuxième vient rappeler la superbe et la fantaisie de vie hors-normes.
Voir le site du producteur Echelle inconnue pour plus de détails sur le film