«Tengo Miedo Torero» : la belle histoire d’amour impossible dans le Chili de Pinochet
Il parait que le film «Tengo Miedo Torero» , l'adaptation cinématographique du roman du Chilien Pedro Lemebel, auteur culte au Chili, et cette semaine, en sélection officielle au Festival ciné latino de Toulouse, a battu des records de vente depuis sa sortie au Chili sur des plateformes de streaming depuis septembre dernier.
Artiste et activiste décédé en 2015, Pedro Lemebel, resté méconnu par chez nous, s'est toujours dressé contre les tabous et les préjugés moraux de la société chilienne, jusqu'à composer un tableau saisissant de la vie de son pays natal.
Très révélatrice d'une fin de règne dictatorial assez tragique, cette histoire d'amour entre un travesti vieillissant et un guérillero qui prépare un attentat contre Pinochet en 1986, a séduit les lecteurs chiliens grâce à une écriture particulièrement transgressive, résolument résistante face au système officiel de l'époque.
Mais le texte de Lemebel rappelle aussi le combat des citoyens chiliens pour accéder à la démocratie et n'oublie pas de porter un regard critique aussi bien à l'égard du communisme et à l'égard de l'extrême-droite et des militaires....
Ce roman est désormais adapté au cinéma par un Rodrigo Sepulveda qui délaisse les parties trop politiques du roman afin de se concentrer sur la chronique plus intimiste et quasi platonique de ces deux âmes solitaires qui se retrouvent ensemble presque par hasard.
Selon ses intentions, le cinéaste a cherché à recentrer le roman de Lemebel autour de " l'histoire de deux êtres marginaux, l'un vivant dans la clandestinité politique, l'autre dans la clandestinité sexuelle».
Ce parti pris , parfaitement exploité à l'écran, rajoute en émotion ce qu'il perd sans doute un peu en militantisme. La violence, pilier de tout régime didactorial est présent quasiment qu'en hors champs mais prompte à jaillir à chaque mouvement de travers d'un militaire ou d'un guérillo.
La caméra de Rodrigo Sepúlveda s'attarde ainsi sur les clairs obscurs et l’obscurité de l’appartement délabré de Santiago où habite cette Reine de la nuit un peu déchue qui vit recluse dans la pénombre de son antre et qui semble renaitre à la vie par le biais de cet amour qu'elle n'escomptait plus.
Car ce travesti pas vraiment engagé politiquement, qui brode des nappes pour les épouses des militaires de la junte va s'éprendre éperdument du jeune homme et va forcément courir à sa perdition .
Ce personnage, ô combien casse gueule sur le papier, émeut profondement à l'écran, grâce à l'interprétation géniale et tout en nuances d'Alfredo Castro, comédien incontournable au Chili, iré notamment dans les films de son compatriote Pablo Larraín.
Digne et poignant, jamais pathétique, il constitue sans aucun doute un des atouts indéniables de ce beau et mélancolique Tengo miedo torero .