Prix des lecteurs du Livre de Poche- Sélection de mai
Voici notre retour sur la jolie sélection de mai du #prixdeslecteursdulivredepoche composée des trois romans suivants:
Nuits d'été à Brooklyn de Colombe Schneck
- Le pont d'Argile de Markus Zusak
- Une bête au Paradis de Cécile Coulon
"Pourquoi les mères de famille de l'Upper East Side sont elles aussi maigres? C'est un cliché bien sur mais il est comme chacun il ne peut s'empecher de se rassurer, de reconnaitre l'autre dans une image fixe et faussement réelle, la mère de famille blonde et mince de l'Upper East Side ."
On avait quitté récemment la toujours épatante Colombe Schneck avec ses très belles guerres de mon père ; on la retrouve avec ses récentes Nuits d'été à Brooklyn qui résonne fortement avec l'actualité.
Son roman raconte le télescopage entre les émeutes de Crown Height en 1991 et l'affrontement des Noirs contre les juifs et l'histoire d'amour d'Esther et Frederick.
La mort récente de George Floyd résonne comme un éternel recommencement. C'est parfois désespérant, mais c'est drôle aussi quand Esther décrit les dates à l'américaine ou qu'elle se moque d'elle même.
On aime que la romancière ne tombe pas dans une lecture simpliste des événements mais au contraire a toujours chevillé en elle la volonté de les aborder dans leur multiples facettes (le racisme de part et d'autre, l'inertie de la police et des pouvoirs publics, la pauvreté..).
Ce roman enquête, qui ne prend pas parti et ne juge jamais ses protagonistes, raconte mine de rien beaucoup de choses sur la haine entre les communautés et les non dits dans une relation de couple .
"A l'adolescence, doué de cette intitution que la mélancolie offre à ceux qu'elle ronge, Gabriel comprit avant Blanche et avant Louis que ces deux là ne pourraient jamais être frère et soeur ni amis ni compagnons. Rien de tout cela .Il savait, parce qu'il connaissait la rage de sa soeur et la souf de Louis que rien à part Emilienne et le Paradis ne les tiendrait en un même lieu."
L'auvergnate Cécile Coulon n'a même pas trente ans qu'elle a déjà une belle biographie derrière elle, notamment avec Trois saisons d'orage, lauréat du très convoité Prix du Livre Inter) sans parler d'essais et ses recueils de poèmes assez impressionnants . "Une bête au Paradis" confirme largement son talent.
Cécile Coulon plonge son lecteur pour ne plus le lâcher dans les tréfonds du mal- nommé Paradis, un domaine secret et recluse, composé de champs d'un étang et d'une ferme où les cochons sont l'animal dominant.
Emilienne est la gardienne de ce temple. Elle y élève seule ses petits enfants, Gabriel et Blanche depuis la mort brutale et soudaine de sa fille et son gendre. Elle parvient à créer un semblant d'équilibre avec Louis, le commis qu'elle a recueilli d'un père violent à l'adolescence.
Un jour, un étranger, Alexandre, va arriver et va faire bosuculer l'ordre établi notamment auprès de Blanche, qui va tomber dans les tourments de l'amour, un peu malgré elle.
L'amour d'un homme sera t- il plus grand que l'amour de la terre? Blanche aura la réponse à cette question, et cette solution ne se fera pas sans violence voire même une certaine bestialité...
Ce huis clos hypnotique et haletant , qui montre comment cette lignée de femmes peut être envoûtée par la terre est racontée par une écriture aussi musclée que poétique d'une Cécile Coulon qui refuse absolument tous les bons sentiments que son histoire pourrait amener.
Ce prenant et très maitrisé roman de Cécile Coulon nous montre que l'enfer rural n'est pas toujours pavé de bonnes intentions...
Mais ne vous méprenez pas _ il était une terre vaine en costume ; il était voûté, il était brisé. Il prenait appui sur l'air comme s'il attendait que celui-ci l'achève, sauf que non, pas ce jour-là, pas ça, car, tout à coup, le moment paru mal choisi pour les assassins obtiennent des e-droits. »